Rhin supérieur : niveau de sécurité des digues
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Une expertise sur la caractérisation des débits extrêmes du Rhin a été réalisée de 2018 à 2020 par INRAE pour le compte de la DREAL Grand-Est, avec des échanges au sein de la Commission Permanente internationale pour l’aménagement du Rhin supérieur en lien avec la CIPR – Commission Internationale pour la Protection du Rhin (en allemand, IKSR – Internationale Kommission zum Schutz des Rheins). Elle fait suite à de fortes différences d’appréciation sur la valeur des débits de référence associés à des périodes de retour. La crue millénale (resp. décamillénale) de l’étude de l’université technique de Karlsruhe (IWG) validée par la Commission Permanente de mai 2010 correspond à une crue centennale (resp. millénale) dans certaines études françaises.
Un avis de Michel Lang sur l’estimation des crues de référence de la partie aval du cours franco-allemand du Rhin a été formulé, à partir du traitement de deux longues séries hydrométriques à Bâle (1808-2017) en Suisse et à Maxau (1815-2018) en Allemagne. L’origine des différences provient de choix méthodologiques. Dans l’étude allemande faite en 2010 par l’Université de Karlsruhe, ce sont les données de débit du XXe siècle qui ont été exploitées, les informations antérieures au cours du XIXe siècle ayant été considérées comme trop incertaines, compte tenu des aménagements réalisés sur le Rhin depuis. Dans l’étude réalisée par EdF en 2002 sur les biefs de Fessenheim et Kembs, plus en amont, les grandes crues du Rhin au cours du XIXe siècle ont été conservées en exploitant les annuaires hydrologiques suisses depuis 1808. D’autre part, les lois de probabilité retenues par les Allemands (loi Log Normale) et les Français (loi racine Gumbel) présentent des comportements asymptotiques différents qui ont une incidence sur l’extrapolation de la distribution des crues pour de fortes périodes de retour.
L’approche proposée au cours de l’expertise a consisté à utiliser un modèle probabiliste prenant en compte les incertitudes sur les débits de crue. Cela a permis d’une part de pénaliser les données anciennes qui ont une plus forte incertitude que les données récentes, et d’autre part d’intégrer dans l’analyse des événements majeurs du XIXe siècle qui n’ont pas été observés depuis. Les incertitudes sur les débits de crue sont de l’ordre de ±5-7 % pour la période récente, et augmentent jusqu’à ±45-48 % pour les débits les plus anciens. L’analyse de la distribution des crues a permis de conclure que le niveau de sécurité actuel des digues en aval de Strasbourg est cohérent avec la législation, avec des débordements possibles seulement au-delà d’une crue de période de retour 10 000 ans. Les résultats de l’étude EDF (2002) à Bâle semblent surestimés, avec des quantiles de crue Q100 et Q1000 nettement supérieurs à la distribution empirique 1808-2017, et une valeur Q1000 à Bâle supérieure à celle estimée à Maxau. L’origine de cette surestimation provient pour partie du choix fait de ne pas prendre en compte le laminage des crues postérieur aux travaux de correction du Jura en Suisse, à partir de 1890, et de ne pas corriger à la baisse les crues antérieures à 1890 pour raisonner sur un état de référence identique.