Élisabeth Van de Maele – Cheffe du bureau Gestion durable de la forêt et du bois (BGED) Direction générale de la performance économique et environnementale des entreprises (DGPE), Ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation (témoignage issu du dossier « Le matériel forestier de reproduction : un enjeu pour les forêts de demain » – 2022)

3 questions à Élisabeth Van de Maele

Vous êtes chargée du bureau Gestion durable de la forêt et du bois, quelles sont ses prérogatives ?

« Agronome de formation, j’ai occupé plusieurs postes liés à différentes filières agricoles au ministère de l’Agriculture. Cela fait maintenant une douzaine d’années que je m’investis sur le thème de la forêt, dont 6 ans au bureau Gestion durable de la forêt et du bois. Nous sommes une équipe de 10 personnes à travailler autour de thématiques très variées. Le bureau a pour mission de faciliter la mise en œuvre des politiques publiques forestières nationales et européennes. La biodiversité est une composante importante de ces politiques. À ce titre, nous entretenons des relations étroites avec le ministère de la Transition écologique. Nous avons une approche transversale des questions forestières qui inclut gestion durable, connaissance et protection de la forêt, risques naturels, services environnementaux, mais aussi relation forêt-société, et bien sûr adaptation au changement climatique. Un important volet de recherche et de développement est d’ailleurs consacré à ce dernier thème. Enfin, l’une des principales thématiques suivies par le bureau couvre les ressources génétiques forestières (RGF) et le matériel forestier de reproduction (MFR). »

Quels sont les enjeux des forêts d’aujourd’hui et de demain portés par le ministère de l’Agriculture ?

« Aujourd’hui comme demain, la gestion forestière devra concilier production et protection. Les critères à prendre en compte aujourd’hui dans le renouvellement de la forêt englobent tant le besoin économique de production de bois de qualité pour différents usages de la filière, que la résilience des forêts et leur protection face aux risques naturels et anthropiques tels que les incendies et les maladies émergentes. Basés sur des connaissances scientifiques, les critères de sélection des essences ont ainsi évolué, passant d’une priorité mise sur l’adaptation à la station et le potentiel de croissance et sur la qualité du bois, à la priorisation d’essences à forte capacité d’adaptation aux changements globaux. Le plus gros défi pour la forêt de demain est bien celui de l’adaptation aux changements climatiques. Il impacte tous les compartiments de la forêt et complexifie encore sa gestion. C’est un constat partagé par toutes les parties prenantes de la filière forestière. Seule une forêt en bonne santé pourra continuer d’assurer pleinement ses nombreuses fonctions, y compris celle de puits de carbone. Le futur reste incertain, ce qui complexifie encore le choix des essences et matériel forestier de reproduction pour le renouvellement des peuplements, car il nous faudra trouver le bon équilibre entre la résilience et une production de bois compétitive, le tout dans une dynamique de dialogue au plus près des territoires. »

Comment appui scientifique et politiques publiques s’articulent-ils dans le domaine de la forêt ?

« La sélection du matériel forestier de reproduction doit anticiper des besoins qui évoluent rapidement, alors même que le temps de la forêt est un temps long. Produire les graines et plants pour la forêt de demain exige un investissement et un temps conséquents, d’une complexité croissante. Il faut par exemple plus d’une dizaine d’années en moyenne pour qu’un verger à graines forestières rentre en production. Mais on l’oublie souvent, il aura également fallu entre 5 et 10 ans en amont, depuis la décision d’installer un verger à graines jusqu’à sa plantation, car il faut pour cela disposer d’une population améliorée, qui elle-même nécessite un travail continu d’amélioration génétique – recombinaison génétique, évaluation, sélection génétique –, mené par les chercheurs d’INRAE. L’anticipation est donc un élément capital pour la conception et la mise en œuvre de la politique forestière. C’est d’ailleurs grâce à cette anticipation que nous avons été à même de répondre rapidement en 2021 au Plan de Relance en consacrant 1 million d’euros à la création de vergers à graines pour des essences d’avenir telles que le cèdre de l’Atlas, le Douglas et le chêne pubescent. La responsabilité en incombe à l’État qui s’appuie sur ses opérateurs ONF et INRAE. Les besoins en Science sont conséquents et depuis très longtemps le ministère de l’Agriculture s’appuie sur les scientifiques d’INRAE. Un important besoin porte donc sur les compétences liées à la conception et la gestion des vergers à graines et à l’évaluation du matériel forestier de reproduction mis à disposition. Un renforcement du volet R&D sur la production des matériels forestiers de reproduction adaptés au climat futur, à hauteur de 500 mille euros par an a été confirmé lors de la clôture des Assises de la forêt et du bois. Au sein de différentes instances comme la commission ressources génétiques forestières (CRGF), le comité technique permanent de sélection (CTPS) section arbres forestiers et le comité technique de coordination (CTC) des vergers à graines de l’État, les scientifiques d’INRAE nous aident non seulement à conserver les RGF, sélectionner les peuplements classés et à créer les vergers à graines, mais nous conseillent également sur l’utilisation du matériel forestier de reproduction pour renouveler nos forêts. Ces conseils sont un appui particulièrement précieux, basé sur plusieurs expertises pour une même espèce, que les experts INRAE peuvent nous apporter. Au-delà de l’appui sur les vergers à graines, INRAE apporte son expertise sur l’expérimentation de solutions de renouvellement forestier (pôle RENFOR) et sur le suivi de nombreux réseaux d’expérimentation et d’observation à long terme (In-Sylva, ICOS, AnaEE-France, TreeDivnet). Pour répondre à ces enjeux de long terme, la politique publique forestière doit elle aussi s’inscrire dans la durée, éclairée par les résultats de la recherche scientifique. L’acquisition de connaissances est en effet essentielle dans un domaine techniquement très complexe, pour permettre à l’État, dans un contexte climatique incertain, d’être en capacité d’anticiper. »

Témoignage issu de notre dossier thématique

Dossier valorisation DAPP INRAE Forêts
Le matériel forestier de reproduction : un enjeu pour les forêts de demain

Avec des politiques publiques françaises tournées vers le reboisement par plantation, la France a augmenté sa surface forestière de 1,5 million d’hectares en 50 ans. Mais la capacité d’adaptation des essences utilisées pour le reboisement pose question : quels caractères sont importants pour les arbres de demain ? Quelles essences planter à quels endroits ? Quels besoins en diversité génétique inter et intraspécifiques faut-il anticiper ? Les activités d’INRAE sur la sélection variétale des essences forestières et sur la constitution et la gestion de structures de production de graines (vergers à graines et peuplements porte-graines) participent à dessiner une forêt plus résiliente en garantissant l’origine génétique et la qualité des semences forestières. 

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