Cédric Prévost – Sous-directeur de l’accompagnement des transitions alimentaires et agroécologiques, Ministère de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire (témoignage issu du dossier « Alimentation et territoires : les scientifiques d’INRAE en appui des projets alimentaires territoriaux » – 2023)
Quelles étaient les attentes du ministère pour ces outils de la politique publique alimentaire que sont les PAT ?
« Les projets alimentaires territoriaux sont définis par la loi, avec un cadre qui en précise les grandes lignes et les objectifs principaux sans en faire un dispositif rigide (articles L1-III et L111-2-2 du Code rural et de la pêche maritime), faisant d’eux des dispositifs innovants de mise en oeuvre de politiques publiques dans le cadre de démarches volontaires et ascendantes des acteurs des territoires. Les pouvoirs publics ont accompagné le déploiement de ces projets, via les appels à projets du PNA depuis 2016, puis en mettant en place un dispositif de labellisation à partir de 2017. Avec la crise Covid,les PAT sont apparus comme un instrument clef pour développer la résilience alimentaire des territoires, en favorisant l’ancrage de l’alimentation dans les territoires, d’où la mise en oeuvre d’une mesure dédiée pour les accompagner dans le cadre de France Relance. On est alors passé de 41 PAT fin 2020 à plus de 400 en 2023. »
Quel est le besoin de connaissances scientifiques pour les politiques publiques de l’alimentation locale en général et les PAT en particulier ?
« La Direction générale de l’alimentation, et la sous-direction de l’accompagnement des transitions alimentaires et agroécologiques en particulier, élabore, met en oeuvre et évalue ses politiques publiques en lien étroit avec l’expertise scientifique. En particulier sur le volet sanitaire, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du-travail (Anses) est mobilisée régulièrement pour évaluer les risques sanitaires liés à l’alimentation pour éclairer la décision publique. La relation avec INRAE est tout autant précieuse, que ce soit à travers le portage de l’Observatoire de l’alimentation, la réalisation d’expertises collectives structurantes ou des relations avec certains chercheurs sur des thématiques ciblées, notamment les PAT. L’accompagnement des PAT s’est construit de façon empirique, avec la mise en place d’un projet « réseau national des PAT » piloté par l’association Terres en villes dans un premier temps, rejoint par Chambres d’agriculture – France. Ce projet comporte un axe de travail en lien avec la recherche dans le cadre de l’Observatoire national, INRAE étant associé au comité technique et scientifique du réseau national des PAT (RnPAT). Par ailleurs, le réseau mixte technologique (RMT) « alimentation locale » contribue aux travaux relatifs aux PAT. Pour autant, les PAT sont des projets de long terme et ne constituent un sujet de recherches que depuis assez récemment, au moins dans certains territoires. Il devient nécessaire de rassembler et partager les données existantes pour mieux les caractériser. »
Les besoins d’évaluation et de mesure des impacts de ces projets sur les territoires, tant sur le plan social, sanitaire, environnemental qu’économique sont croissants et ces sujets restent trop peu explorés. Après quelques années de déploiement dans les territoires, quel futur peut-on prévoir pour les PAT ?
« Comme cela a très bien été mis en avant par le récent rapport du sénateur Frédéric Marchand, le dispositif des PAT est plébiscité par la majorité des parties prenantes. Toutefois, à ce stade de déploiement des projets, qui pour la majorité d’entre eux sont encore en phase d’émergence, il reste nécessaire de consolider, structurer et amplifier le mouvement. Sans cela et sans mise à disposition de moyens humains et financiers, le risque est que la dynamique s’essouffle après l’élan donné dans le cadre de France Relance. Dans le cadre des concertations en cours pour l’élaboration de la stratégie nationale pour l’alimentation, la nutrition et le climat (SNANC), notamment via le Conseil national de l’alimentation, les PAT sont cités comme des leviers à pérenniser et renforcer. Après une phase de déploiement territorial au cours des dernières années, leur renforcement, à travers un élargissement de leurs actions opérationnelles, devrait donc avoir toute sa place dans la déclinaison des orientations de la SNANC à travers les actions des futurs PNA et PNNS. »
Témoignage issu de notre dossier thématique
Dossier thématique
Alimentation et territoires : les scientifiques d’INRAE en appui des projets alimentaires territoriaux
Ces 60 dernières années, les lieux de production, de transformation et de consommation alimentaire se sont progressivement éloignés les uns des autres : de la fourche à la fourchette, les distances se sont accentuées. Face à ce phénomène, les territoires ont peu à peu revendiqué une « réappropriation » de leurs systèmes agri-alimentaires. Au plus près du terrain, les scientifiques INRAE se sont investis sur ces questions avec des acteurs locaux, en particulier le département ACT qui mène des recherches sur les dynamiques territoriales depuis près de 40 ans. En 2014, le déploiement des « projets alimentaires territoriaux », nouvel outil de la politique de l’alimentation locale, a fait appel à des connaissances et méthodes scientifiques multiples, impliquant aujourd’hui plusieurs départements d’INRAE. Ce dossier est une première approche de l’implication des scientifiques INRAE dans la mise en œuvre des projets alimentaires territoriaux .